Connu comme « Éloi à Protais », ce violoneux autodidacte né à College Bridge, le 26 novembre 1909 est baptisé sous les prénoms d’Éloi Honoré. Ses parents, Protais et Henriette, sont deux LeBlanc. Sa mère met au monde neuf enfants dont deux, décédés à la naissance. Des sept enfants qui restent, deux sont décédés à l’adolescence : Antoine à 19 ans et Camille à 16 ans. Laura, Éloi, Florian Cyriac, Séverin et Rita survivent.
Éloi apprend les rudiments du violon par lui-même. N’ayant pas reçu de formation musicale, mais doté d’une mémoire phénoménale, il joue à l’oreille. Dès son jeune âge, Éloi baigne dans un monde musical. Il connaît des « partys de cuisine » chez ses parents où plusieurs personnes se regroupent pour jouer de la musique. Son père joue de la musique à bouche tandis que du côté maternel, ce sont des joueurs de violon. Laura, l’aînée de la famille, joue du piano, tandis que son frère, Camille, joue aussi du violon, et son frère, Séverin, est guitariste.
La première prestation d’Éloi en public a lieu lors d’une danse de noces, alors qu’il n’a que dix ans. Il joue souvent à ce genre de soirées. Par après, un premier groupe de musiciens se forme à College Bridge avec son frère, Séverin, à la guitare, Émerald Gaudet au piano et le « steppeux » Frank Richard. Ce groupe joue un peu partout au Nouveau-Brunswick. Adolescent, Éloi participe à plusieurs concours et en sort souvent le grand gagnant. Cette notoriété lui vaut d’être reconnu comme le « violoneux de la vallée de Memramcook ». Plus tard, il est aussi connu sous le nom de « Fiddlin’ Cy ».
Pendant vingt-trois ans et pour gagner sa vie, Éloi ne joue que du violon. Dans la jeune vingtaine, il se joint au groupe The Canadian Plough Boysde Moncton sous la direction de Bob White. Après deux ans, le groupe se sépare et Éloi déménage à Saint-Jean où il joint le groupe de Bob Baker, The Maritime Farmers. En plus de leur émission hebdomadaire à la radio,le groupe joue un peu partout dans les provinces maritimes. Peu de temps après, Kidd Baker, le frère de Bob, invite Éloi à se joindre à son groupe The Pine Ridge Mountain Boys qui se trouve à Kitchener en Ontario. Pendant une douzaine d’années, le groupe fait des tournées à travers le Canada.
Le 27 novembre 1976, au Monument-Lefebvre à Memramcook, les Productions acadiennes enregistrent le premier et seul disque d’Éloi. Il est accompagné, entre autres, de sa sœur, Laura, au piano. Des dix-huit pièces que comprend le disque, dix sont les compositions d’Éloi : Le reel oublié, Reel des Maritimes Farmers, Reel des noces, La gigue des p’tites filles, Reel des Beaumont, Reel de la galerie, Gigue à Thaddée, Le reel de l’hiver, Hoedown à Eloi et Ann Murray’s Reel. Cette dernière pièce est souvent jouée par le célèbre violoneux, Don Messer. Les autres huit morceaux sont des pièces traditionnelles dont l’arrangement a été fait par Éloi.
Plusieurs violons passent entre les mains d’Éloi. Il en aura plusieurs entre le premier que lui offre son grand-père maternel, Narcisse à John, pour ses huit ans, et celui acheté en Ontario qui a plus de cent ans. Lorsqu’Éloi joue, son violon devient vivant. Le père Médard Daigle décrit son jeu en affirmant : « Toute une vie folklorique surgissait de son violon, tantôt tendre et doux comme une mousseline de mariée, tantôt fulgurant et endiablé comme une course de chevaux. […] Le violon d’Éloi chantait, riait ou pleurait émouvant jusqu’aux plus réfractaires à la musique. »
Malgré qu’il soit un grand violoneux, Éloi était physiquement un petit homme. Dans le même article, le père Daigle le décrit comme suit :« La nature l’avait doué d’un physique modeste, avec un nez et des oreilles amplifiées, ce qui explique peut-être sa timidité. Sans érudition, mais aussi sans prétention, Eloi parlait peu et d’un timbre de voix étouffée, utilisant le langage du terroir, c’est-à-dire le parler quelque peu « sagouinien », ne disant que ce qu’il voulait dire, dans ce français folklorique pittoresque et sublime, sans détour et sans éclat, préférant se taire et passer pour niaiseux plutôt que d’afficher ce qui dépassait ses connaissances et sa sincérité. »
À la fin des années 1970, à son retour d’une tournée pancanadienne, Éloi, qui était célibataire, s’installe chez sa sœur, Laura, et son beau-frère, Aurèle Boudreau, à Beaumont. Il continue de jouer du violon avec plusieurs groupes à Pré-d'en-Haut, à Moncton avec Gerry Myers et à Saint-Anselme.
Décédé le 21 juin 1978, Éloi a été inhumé au cimetière Notre-Dame de l’Annonciation à Pré-d'en-Haut. Il a été nommé au New Brunswick Country Music Hall of Fame le 19 octobre 2002.
Le 9 juin 2013, en hommage à Éloi LeBlanc, la Société culturelle de la Vallée de Memramcook et la Société historique de la Vallée de Memramcook présentent pour la première fois le prix Éloi au théâtre du Monument-Lefebvre. La première lauréate en est Dominique Dupuis de Lourdes.
Sources :
- Copeland, Gary L., Fiddling in New Brunswick: the history and its people, Moncton, Gary L. Copeland Associates, 2006. (Article publié dans Les Cahiers de la Société historique de la Vallée de Memramcook (SHVM), vol.18, no 1, avril 2007, p. 5-6)
- Daigle, Médard, « L’Acadie n’oubliera pas Éloi », L’Évangéline, le 5 juillet 1978, p. 13
- Gaudet, Donatien, « Éloi et Laura à Protais LeBlanc – Rétrospective », Les Cahiers de la SHVM, vol. 11, no 1, avril 2000, p. 27-33
- Gaudet, Gustave, La Vallée de Memramcook : hier - aujourd’hui, Shediac, Gustave Gaudet, 1984?, p. 206-208
- Kidd Baker dans http://www.allmusic.com/artist/kidd-baker-mn0001009755 (consulté le 21 janvier 2014)
- Léger, Louise, Memramcook initiation historique : exploration 1612-1790, religion 1754-1964, éducation 1854-1964, économie 1840-1965, personnages 1698-1965 / Rédactrice du texte, Louise Léger / Recherchistes, Charline LeBlanc et Josanne Cormier / Cartes et couvertures, Michel Dupuis, Memramcook, SHVM, 1980, p. 70-71
- Maritimes Farmers dans http://www.nbcmhf.com/inductees02.html (consulté le 21 janvier 2014)
- La Vallée de Memramcook vue à travers ses monuments, ses sites historiques, ses personnages, ses coutumes, ses traditions et ses faits d’histoire, SHVM, 1994, p. 33
- « Le violon d’Éloi LeBlanc ne jouera plus », L’Évangéline, le 23 juin 1978, p. 7