
Émilie LeBlanc passe à l’histoire sous le pseudonyme de « Marichette », dont l’origine demeure toujours un mystère. Peut-être a-t-elle lu Marichette, le roman de l’auteur français Hector Malot, publié en 1884. Ce n’est pas impossible puisqu’elle a été étudiante au couvent des Sœurs de la Charitéà Memramcook et par après, à l’École normale à Fredericton. Elle sera enseignante à Weymouth en Nouvelle-Écosse, pendant une dizaine d’années.
Née le 14 mai 1863 à College Bridge, elle est baptisée par le père François-Xavier Lafrance six jours plus tard. Émilie est la septième enfant de Mathilde LeBlanc (1832-1917) et de Calixte LeBlanc (1829-1915) qui en auront treize : Olivier, Célina, Otto, Édouard, Rosalie, Sara, Émilie, Thomas, Marie, Marie, Thomas, Dosithée et Régina.
Marichette devient connue grâce à ses lettres publiées dans le journal L’Évangéline de Weymouth entre le 14 février 1895 et le 3 février 1898. Dès sa première lettre, Marichette fait preuve d’une audace peu commune pour les femmes de l’époque. « J’veux vous dire que les femmes sont fatiguées d’attendre que la loi passe en chambre pour le souffrage [sic] des femmes, pour nous donner le droit de voter. » Elle exige le droit de vote des femmes bien avant que celui-ci soit accordé au Canada. Elle n’exige pas l’égalité entre l’homme et la femme mais proclame plutôt la supériorité de cette dernière. Suite à la pression sociale, Valentin Landry, le propriétaire de L’Évangéline, cesse de publier ses lettres.
Entre 1895 et 1898, elle publie donc treize lettres sous le pseudonyme de Marichette. Afin de ne pas être reconnue, ces lettres décrivent la narratrice comme une vieille femme illettrée, mère de nombreux enfants, mais en réalité, Émilie est célibataire et institutrice. Au début, certains pensent qu’il s’agit de Valentin Landry, le propriétaire du journal L’Évangéline, ou du généalogiste, Placide Gaudet. Les deux hommes sont en perpétuel conflit lorsqu’il s’agit d’Émilie.
Marichette exprime sa fierté acadienne et l'importance de conserver sa religion, sa langue et les coutumes ancestrales. Elle condamne l'émigration vers les États-Unis, dénonce la corruption politique, les injustices sociales et la situation linguistique des Acadiens. Vantant la supériorité des femmes, elle réclame le suffrage féminin, même si Valentin Landry s’y oppose. Ce dernier cesse de publier les opinions des femmes sur ce sujet tout en continuant de publier celles de Marichette jusqu’en 1898, fait paradoxal puisque son épouse, elle, continue de publier dans les journaux anglophones.
Après à son mariage à Jos Honoré Carrier, un comptable du chemin de fer, qu’elle a connu en Nouvelle-Écosse, Émilie revient s’établir au Nouveau-Brunswick. Le couple n’a pas d’enfant. Elle est décédée à Moncton, le 19 décembre 1935, et inhumée à Memramcook.
Sources :
- Auteur anonyme, « Marichette : Emilie LeBlanc Carrier 1863-1935 », Regards historiques par la Direction générale de la condition féminine, Fredericton, 1989 (Cet article a été publié dans Les Cahiers de la Société historique de la Vallée de Memramcook, vol. 4, no 1, mars 1991, p. 8-9 et vol. 11 no 2, août 2000, p. 64-66).
- Gérin, Pierre et Pierre-M. Gérin,Marichette : lettres acadiennes, 1895–1898,Québec, 1982.
- Gérin, Pierre et Pierre-M. Gérin, « Qui êtes-vous Marichette? Une épistolière acadienne à la fin du XIXe siècle », Les Cahiers de la Société historique acadienne, vol. 8, no 4, déc. 1977, p. 165-172.
- Lemieux, Thérèse, Gemma Caron et Madeleine Cyr, « Emilie LeBlanc Carrier (1863-1935) », Silhouettes acadiennes, Fédération des Dames d’Acadie, 1981, p. 18-19.